Le contexte paléontologique
D’autres fossiles du Miocène supérieur mis à jour précédemment occupaient déjà la « case » des pré-australopithèques, comme Ardipithecus l’éthiopien ou encore Orrorin le Millenium Ancestor kenyan, mais ToumaÏ est de loin le plus ancien. Son évidente proximité de la souche d’où nous provenons confirme le sentiment qu’exprimait Charles Darwin dès 1871 selon lequel il existait certainement sur le territoire africain des singes assez voisins des gorilles et des chimpanzés et depuis éteints, qui possédaient encore plus de caractères à l’état dérivé communs avec nos aïeux australopithèques.
La conception d’homme fossile est relativement récente dans la mesure où il a fallu attendre la découverte en 1856 des restes de l’homme de Neandertal ( en allemand : la vallée de l’homme nouveau !), pour que les paléontologues s’absolvent progressivement du fixisme qui imprégnait le père de la discipline Georges Cuvier puis de l’évolutionnisme finaliste de Jean-Baptiste de Lamarck toujours latent dans les sournoises théories de l’ «intelligent design » propagées par certaines sectes religieuses actuelles. C’est C.Darwin, au retour de l’épopée du Beagle, qui apportera les éléments décisifs en faveur d’un évolutionnisme déterministe dans le cadre d’une sélection naturelle en publiant le 24 novembre 1859 : « On the origin of species by means of natural selection, or the preservation of favoured races in the struggle for life ».
La révolution des connaissances en génétique nous apprend aujourd’hui que les génomes des Paninés (Chimpanzés et Bonobos) et des Humains ne diffèrent que d’un pour cent de leurs gènes, et qu’ils constituent par là même le « groupe- frère » de l’humanité.
Au cours du XXeme siècle les découvertes vont se succéder depuis l’enfant de Taung (Australopithecus africanus) en Afrique du Sud jusqu’à Abel ( A.bahrelghazali) au Tchad en passant par les Paranthropes et les Ardipithèques. En 1974, Coppens et Johanson exhument un squelette assez complet d’une australopithèque de 3,2 millions d’années qu’ils appeleront Lucy en hommage au tube des Beatles qui les accompagnait pendant leurs fouilles ( puis ils mirent le produit de leurs fouilles dans des caisses). Ses caractéristiques morphologiques en firent alors la candidate la plus crédible au titre de « plus ancienne tante de l’humanité » et génèreront la théorie de l’East Side Story alliant des causes géologico-climatiques responsables de l’apparition d’une savane herbacée dans la corne de l’Afrique et une sélection naturelle favorisant la bipédie. Théorie d’abord ébranlée par la découverte d’Abel dans le batha du lac aux gazelles tchadien puis controversée par celle de Toumaï dans le Djourab, toujours au nord du Tchad actuel. Ces régions comme celles de Lybie du l’Egypte méridionale ou du Soudan bénéficiaient il y a quelques millions d’années d’un climat tropical tempéré propice au développement d’une végétation et de paysages diversifiés faits d’espaces boisés et herbeux répartis au long d’un réseau hydrographique généreux , peut-être comparable au faciès du delta actuel de l’Okavango. Il semble donc que la bipédie, critère incontournable de l’appartenance à la lignée humaine, ait été acquise puis retenue par la sélection naturelle chez nos prédécesseurs pour l’optimisation qu’elle apporta à la survie - et donc à la reproduction- tant pendant les séjours diurnes au sol que pendant les périodes d’alimentation ou de repos dans les arbres.
Certes les relations de parenté entre tous ces nouveaux pré australopithèques sont sinon incertaines pour le moins controversées mais ils constituent de façon très crédible un stade évolutif du sein duquel sont issus les premiers australopithèques vers 4 millions d’années B.P, eux-mêmes ayant certainement compté dans leurs rangs les précurseurs du genre Homo vers 2 à 3 Ma dont H.habilis, H.rudolfensis puis H.erectus qui partira le premier d’Afrique à la conquête du monde. Un de ses descendants imaginable en Europe, Homo neandertalensis se fera supplanter il y a 28.000 ans par une nouvelle vague migratoire menée par une nouvelle espèce dont le plus ancien spécimen retrouvé a 165.000 ans : Homo sapiens, c'est-à-dire nous. Toute cette aventure évolutive s’est accompagnée du développement de l’encéphale et de l’émergence de certaines capacités comme la conception d’outils depuis plus de deux millions d’années, la maîtrise du feu il y a quatre cent cinquante mille ans, et une pensée symbolique manifestée par des rites funéraires et des créations artistiques telles que dessins, gravures, sculptures et parures.
L’origine de l’Homme est donc presque certainement africaine même s’il semble désormais que les premiers Primates seraient d’origine asiatique. Ils ne vivaient pas seulement dans le Sud et l’Est du continent mais également dans la zone centrale correspondant au Sahara occidental actuel. Reste à préciser les conditions paléogéographiques et climatiques qui ont accompagné l’histoire des premiers humains et à reconstituer leurs parcours depuis leur berceau jusqu’à aujourd’hui.
D’après « Lettre mensuelle au service de la recherche et du développement éditée par le Centre National d’Appui à la Recherche » soutenu par le Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France au Tchad.
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