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Des roches cristallines venues des profondeurs sur Petite-Terre (Mayotte) : des péridotites |
par
Alain Mercier, Libreville - Gabon |
Composées principalement d'olivine (péridot), bien cristallisées, avec une texture grenue, les roches vertes observées en enclave se sont formées en profondeur : ce sont des péridotites, matériaux constituant l'essentiel du manteau supérieur. Pour rendre compte de la diversité des péridotites enclavées et appréhender leur origine et leur lien avec les roches volcaniques qui les renferment, il convient de présenter brièvement ces matériaux et les processus qui les affectent. Les péridotites du manteau ne sont pas homogènes Aux principales phases (olivine et pyroxènes), peuvent s'ajouter des minéraux accessoires tels ceux concentrant l'alumine (plagioclase, spinelle, grenat) auxquels s'associent parfois des minéraux hydroxylés riches en magnésium (phlogopite, amphibole). La présence de ces minéraux dépend des conditions de pression; elle nous renseigne sur les profondeurs de formation des roches : ainsi des péridotites présentant du spinelle se sont formées entre 25 et 75 km de profondeur (doc. 1).
L'ensemble de ces données montre que les enclaves de péridotites peuvent correspondre à :
Des études complémentaires, notamment chimiques (roches et minéraux), permettraient d'apporter quelques précisions sur ces origines. De telles études ont été réalisées sur des péridotites trouvées en enclaves au sein des basaltes alcalins des îles voisines de l'Archipel des Comores. A Anjouan, sont décrites des lherzolites à spinelle et des dunites, comme à Mayotte, avec en plus des wehrlites, roches que nous n'avons pas encore pu identifier. Les lherzolites sont interprétées comme étant des résidus d'un faible taux de fusion de péridotites mantelliques. La fusion ayant généré les liquides basaltiques alcalins et basanitiques se serait déroulée à plus de 75 km de profondeur dans le domaine des péridotites à grenat (voir doc.1). Les dunites et les wehrlites sont considérées comme des produits cumulatifs associés à la cristallisation fractionnée d'un liquide basaltique (Ludden, 1977). En Grande Comore, les péridotites sont de mêmes types. Leurs caractéristiques suggérent en plus que le manteau sous-jacent a subi des transformations (métasomatose) en relation avec la circulation de fluides riches en carbonates, autre source d'hétérogénéité mantellique (Coltorti et al, 1999). |
Leur arrivée en surface
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Les péridotites observées apparaissent très saines; leur arrivée en surface a dû être suffisamment rapide pour que ces roches ne subissent pas de transformation prononcée, notamment une serpentinisation en profondeur. |
Une première montée à la faveur d'une phase à dominante effusive. La présence d'enclaves dans des blocs de basalte montre que des fragments de péridotites ont été arrachés et entrainés par du magma basaltique lors de son ascension. Cette première mise en place pourrait être en relation avec l'épisode volcanique de style strombolien qui a contribué à l'édification de Petite-Terre il y a près de 50 000ans, avec ses épanchements de coulées basaltiques et ses projections de laves (voir l'histoire géologique de Mayotte).
Une remobilisation lors d'une phase explosive tardive. Il y a moins de 10 000 ans, un épisode explosif, de type phréatomagmatique, touche Petite-Terre, plus particulièrement sa partie orientale. Les appareils basaltiques existant sont en partie démantelés. De violentes explosions projettent des blocs de basaltes qui retombent dans des couches de pyroclastites en cours de formation, y créant des figures d'impact aujourd'hui encore bien marquées. Lors de ces explosions, certaines enclaves de péridotites restent dans les blocs de basaltes (doc. 4); d'autres vont en être en partie ou totalement dissociées et devenir des fragments isolés et parsemés au sein des dépôts pyroclastiques (doc. 5). A la faveur d'une intense érosion, les fragments de péridotites sont progressivement libérés de ces dépôts et se retrouvent sur la plage. |
Les matériaux mantelliques sont, par leur situation, difficilement accessibles à une observation directe, sauf dans quelques rares contextes particuliers (complexes ophiolitiques; dénudation). Pouvoir observer des représentants de ces matériaux en surface, comme à Mayotte, est d'un intérêt scientifique majeur. Il convient donc à ce titre de préserver les affleurements et de limiter les prélèvements des péridotites de Mayotte, d'autant qu'aucune étude détaillée de ces roches n'a encore été réalisée. |
Sources
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- Caron J.M., Gauthier A., Schaaf A., Ulysse J., Wozniak J., 1989. Comprendre et enseigner la planète Terre, ed. Ophrys, Paris. - Coltorti M., Bonadiman C., Hinton R. W., Siena F., Upton B.G.J., 1999. Carbonatite Metasomatism of the Oceanic Upper Mantle: Evidence from Clinopyroxenes and Glasses in Ultramafic Xenoliths of Grande Comore, Indian Ocean. Journal of Petrology, v. 40, N°1, p. 133165 - Dercourt J., Paquet J., 2002. Géologie - Objets et méthodes, ed. Dunod. - Ludden J.N., 1977. The Mineral Chemistry and Origin of Xenoliths from the lavas of Anjouan, Comores Archipelago, Western Indian Ocean. Contrib. Mineral. Petrol, 64, p. 91-107. - Malleville X., Quercia Y., 1992. Mayotte, île volcanique, ed. Bordas & fils, 64 p. - Streckeisen A.L., 1973. Classification and nomenclature recommendated by the IUGS Subcommission on the systematics of igneous rocks. Geotimes, 18, p. 26-30. |